A défaut de siroter un café en terrasse aujourd'hui, vous aurez le droit à une petite initiation à la dégustation ! En effet, comme je vous l'expliquais dans le billet précédent, le café est une boisson en pleine évolution et les consommateurs recherchent de plus en plus un café de qualité. Pour répondre à cette demande croissante, des maisons de torréfaction ont donc (ré)ouvert dans différentes villes de France et n'hésitent pas à partager leur "caféologie" avec le commun des mortels (vous et moi quoi !).
Je me suis donc rendue un samedi matin avec l'As des As au Coutume Café (rue de Babylone) pour suivre une dégustation dans les règles de l'art menée par Antoine, propriétaire de l'établissement et expert es café (et pas nescafé !). Sujet du jour ? Comprendre la différence et les variations de goût entre un grand cru pur et un blend (c'est-à-dire un mélange de différents crus).
Etapes de dégustation
Le café, à l'instar des grands vins, se déguste en plusieurs étapes pour apprécier au mieux sa subtilité.
Première étape : Sentir le café fraichement et grossièrement moulu et noter les premières différences entre les tasses.
Deuxième étape : Sentir le café, une fois que de l'eau bouillante a été versée dessus (évidemment on compare de nouveau les évolutions olfactives entre les tasses !).
Troisième étape : Casser le café (et pas la tasse !), c'est à dire remuer trois fois de suite le café dans chaque tasse avec une large cuillère pour faire descendre les grains au fond (on ne perd pas les bons réflexes, on compare encore !).
Quatrième étape : Goûter rapidement chaque café en faisant le maximum de bruit en aspirant (pas parce qu'on est mal élevé mais pour incorporer des éléments gazeux nécessaires à la rétro-olfaction). On goûte très rapidement dans un sens puis on regoûte, plus lentement, dans l'autre sens.
Cinquième étape : Echanger nos impressions (qui ont parfois évolué entre les différentes étapes !), papoter, regoûter et apprendre plein de petits trucs !
Résultat de la dégustation du jour
Comme je vous le disais au début du billet la dégustation du jour avait pour but de nous faire comprendre la différence entre un blend et un grand cru. Nous avons donc dégusté cinq cafés "à l'aveugle" avec des différences plus ou moins marquées. Certaines tasses semblaient plus puissantes, d'autres plus acidulées et "vertes" et d'autres au contraire plus rondes et torréfiées. Il y avait en fait deux grands crus (un brésilien Daterra et un Honduras San José Montana Verde) et trois mélanges des deux avec des proportions variables (50-50, 70-30 et 30-70).
Alors, d'après vous, quel est le café le plus intéressant gustativement parlant ? Un des deux grands crus ? Eh bien non ! Contrairement aux vins, ce sont les blends de café qui sont les plus intéressants ! En effet, les deux grands crus, pris isolément, ont une dégustation plutôt linéaire (l'un est vert et fruité et l'autre torréfié) alors que l'association des deux rend la dégustation plus subtile grâce à une complexité aromatique plus forte.
Mais, deuxième surprise, ce n'est pas le mélange 50-50 qui est le plus intéressant ! En effet, comme je vous l'ai déjà expliqué à plusieurs reprises (attention ça devient limite philosophique !), le juste milieu n'est pas toujours le plus marquant en terme de goût car on arrive à un "consensus mou" : en gros l'équilibre gustatif n'est pas au milieu ! (vous suivez toujours ? ;-)). Donc, pour en revenir à la dégustation, les deux cafés les plus intéressants étaient les mélanges avec un rapport 70-30 qui permettaient d'avoir une première impression dominante en attaque puis une dégustation qui gagnait en complexité en fin de bouche avec l'arrivée de la note supplémentaire du deuxième café.
Petites astuces et anecdotes apprises lors de la dégustation
1) Les défauts du café (défauts de séchage, de torréfaction, ...) apparaissent quand le café refroidit. En exagérant un peu, la vérité se trouve dans le café glacé ! 2) De manière générale, les femmes sont plus douées pour la dégustation (de tout, pas que du café !) et ce n'est pas moi qui le dit mais Antoine ! Pourquoi ? Parce que, de façon naturelle, les femmes ont plus de capteurs pour goûter les aliments et ainsi assurer la défense de leur progéniture. Une femme enceinte est donc une dégustatrice du tonnerre ! Quand on sait que la majorité des dégustations oenologiques sont encore presque exclusivement masculines ...
3) Le café, à la différence du vin ne se garde pas ! Il n'y a pas de millésime de café (tout discours éventuel sur le sujet ne serait en fait que du marketing). En gros, le café se rapproche du vin par l'existence de crus et de terroirs mais se rapproche du pain pour la durée de conservation. Une fois récolté, le café doit être torréfié dans les 6 mois puis ensuite être bu rapidement (dans le mois qui suit). Donc on laisse les millésimes aux vins et aux sardines !
4) Il existe deux méthodes de production une fois le café récolté. Soit on le laisse sécher naturellement dehors (méthode la plus naturelle et la plus économique mais où le café est soumis aux aléas climatiques), soit on lave le café puis on le place dans une expulseuse puis dans un bassin d'eau où la fermentation va enlever la coque de manière beaucoup plus homogène. Ainsi, à nouveau une idée reçue tombe : le café naturel (la majorité du café vendue en grandes surfaces) est moins bon que le café lavé (car il est mêlé à la poussière et peut être pollué via les pluies).
5) Le café a été un des premiers produits à porter des labels développement durable. Malheureusement aucun n'est parfait : certains valorisent plus l'aspect éthique, d'autres l'aspect qualitatif du café mais aucun ne réussit le challenge d'être un label "global". Le Coutume Café a donc monté une certification éthique et qualitative pour essayer de combler ce vide. Le but est non seulement d'améliorer les conditions de vie mais aussi de valoriser les producteurs pour qu'ils soient fiers de leur production et s'engagent ainsi dans une démarche toujours plus qualitative.
Enfin, comme l'analogie avec le vin est quand même tentante, savez-vous quel serait l'équivalent caféiné d'un grand vin (rouge) de Bourgogne ? Un café africain puissant et fruité aux notes de fruits rouges. Vous savez désormais comment accompagner votre prochain boeuf bourguignon ! :-)