Hugo Desnoyer : tendre et saignant
Chose promise, chose dûe ! Voici donc le résumé de l'entretien avec Hugo Desnoyer aux Estiennales. Et s'il y a bien un (ou plutôt deux !) mots qui résument sa philosophie (et la raison de son succès), c'est amour et respect. Amour et respect des éleveurs, du personnel, des clients mais aussi et surtout des bêtes.
En effet, bien loin de l'image habituelle du boucher, Hugo Desnoyer détonne dans le milieu en imposant sa méthode de travail et ses critères de qualité dans toute la filière, de l'élevage à la vente en boutique.
L'élevage :
Il n'y a pas besoin d'être Docteur ès Viandes pour comprendre que l'élevage a une importance primordiale pour obtenir une viande de qualité. En effet, le mode d'alimentation (fourrage, pâturage, grains), la surface d'élevage (plus une bête a de place pour gambader, plus elle peut développer ses muscles), le cadre dans laquelle la bête grandit (le stress a tendance à raffermir les chairs) sont autant de facteurs qui influent sur la texture et le goût de la viande dans l'assiette. Deux autres paramètres un peu moins connus jouent un rôle lors de l'élevage.
Tout d'abord le terroir. En effet, on peut penser que la notion de "terroir" est une notion un peu tendance et bobo que l'on utilise à tort et à travers pour justifier la qualité d'un produit. J'ai donc clairement posé la question à Hugo Desnoyer pour entendre son opinion sur le sujet. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a une position très claire ! En effet, pour lui le terroir, au sens de terre sur laquelle est élevée la bête, joue un rôle indiscutable sur la qualité finale de la viande. Ainsi, une limousine élevée en Normandie n'aura pas la même saveur qu'une Limousine élevée dans le Massif central car le type de sol (argileux, calcaire, volcanique) donne un goût particulier aux pâturages (et donc à la viande) et la typographie du sol (valloné, montagneux, plat) a une influence sur le développement de la masse musculaire des bêtes. En gros, chacun chez soi et les vaches seront bien gardées ! :-)
Deuxième paramètre à prendre en compte au moment de l'élevage : le pedigree des bêtes, non seulement leurs aïeuls mais aussi les descendants. Par exemple, Hugo Desnoyer ne choisit jamais de génisses mais toujours des vaches ayant déjà vêlé car, suite à ces mises-bas, la viande se persille d'avantage de gras et gagne donc en goût.
L'abattage :
Ne nous voilons pas la face, l'abattoir est toujours un moment douloureux pour la vache comme pour son éleveur. Pour réduire au maximum le stress, Hugo Desnoyer demande à ce que les vaches soient placées, lors de leur arrivée à l'abattoir, dans un lieu appelé "la Bouverie" où elles peuvent manger et boire à volonté en écoutant de la musique classique (eh non, on ne rigole pas, des études anglo-saxonnes ont montré le rôle de la musique classique dans la réduction du stress des bêtes !). Une fois les bêtes calmées, l'abattage a lieu à l'ancienne et de manière très rapide. Le cuir est ensuite tiré à la main (et non de manière mécanique) pour garder le gras nécessaire à la bonne conservation de la viande.
Le savoir-faire du boucher :
Une fois la carcasse débitée, il faut ensuite faire rassir la viande. Pour faire un parallèle avec les fromages, rassir une viande est aussi important qu'affiner un fromage. En effet, c'est cette étape qui va permettre d'affirmer le goût et la tendreté d'une viande. Et c'est là que le savoir-faire du boucher est déterminant (même si bien évidemment, son coup d'oeil et son coup de main sont aussi importants au moment de la sélection des bêtes !).En effet, pendant la période de rassissement, l'eau s'évapore peu à peu de la carcasse et la chair concentre les saveurs. Une viande rassit "à point" ne rendra pas d'eau à la cuisson (pas comme la majorité des viandes vendues en grandes surfaces !), sera tendre et avec une véritable longueur en bouche. Et sur ce point, seule l'expérience du boucher peut déterminer si une viande est rassise à point (ni trop, ni trop peu - comme un fromage !). En moyenne, les industriels font rassir les viandes 12 jours. Hugo Desnoyer lui les fait rassir entre 3 et 4 semaines voire plus pour certaines races rustiques comme la Salers ! On comprend donc pourquoi sa viande est si "fondante" et avec un goût à la fois puissant et subtil !
La main de maitre du boucher intervient aussi bien sûr dans la découpe des morceaux. Il convient en effet de "caresser la viande dans le sens des fibres" pour tirer le meilleur de chaque partie !
Je pourrais vous raconter bien d'autres choses tant Hugo Desnoyer est intarissable sur son métier et sa philosophie. Mais pour conclure, on peut dire que la finalité de sa démarche est exactement la même que celle du cuisinier : donner du plaisir aux gens !
PS : Petite exclu pour les foodista-geeks : son nouveau site web, réalisé en collaboration avec un artiste peintre (excusez-moi mais je n'ai pas pu noter le nom !) sera en ligne sous peu et il projette de lancer une appli iPhone en 2012 qui devrait être une véritable encyclopédie 2.0 de la boucherie (nom des morceaux, localisation sur la bête, goût, mode de préparation, ...) !