Le Coq Rico : un ramage à la hauteur du plumage ?
Bon, autant vous prévenir tout de suite mes petits poulets, les jeux de mots sur les volatiles de toutes sortes risquent d'être légion dans ce billet !
En effet, jeudi dernier a ouvert en plein Montmartre, le Coq Rico, qui se présente lui-même comme "Le Bistrot des belles volailles" avec une carte conçue par Antoine Westermann et interprétée par Thierry Lébé.
Que nous couve ce concept ?
Pour expliquer pourquoi cette ouverture suscite autant d'attentions, il faut remettre les choses dans leur contexte. Le chef, Antoine Westermann, n'est pas un inconnu du milieu : il est déjà le chef reconnu du restaurant Drouant (où se réunissent les membres de l'Académie Goncourt) et du bistro "Mon Vieil Ami". De plus, les volatiles viennent des meilleures maisons et leur origine est d'ailleurs clairement affichée. Enfin, cerise sur le gâteau, le poulet-frites du dimanche de chez Drouant est élevé au rang de plat quasi-mythique chez les Bostro (bourgeois gastronomes) parisiens. On comprend donc que, quand Antoine Westermann annonce l'ouverture d'un restaurant spécifiquement dédié à ces bêtes à plumes, les papilles des gourmets soient éveillées !
Evidemment, Mlle Moutarde se devait d'aller mettre son grain de sel dans cette affaire ! Nous nous sommes donc rendus, par un froid de canard, dès ce week-end avec l'As des As en haut de la rue Lepic pour nous rendre compte par nous-mêmes (on se méfie des rumeurs de poulailler !).
Point très agréable, le service est plus que très aimable et on se sent vraiment comme des coqs en pâte dans cet endroit aux codes (et aux prix !) plutôt haut-de-gamme (on est ici vraiment dans la bistronomie). On voit que la médiatisation a été bien gérée car, bien qu'ouvert depuis deux jours seulement, l'endroit affiche complet.
A la carte, quoi de n'oeuf ?
La carte est très alléchante. En effet, non seulement le choix des volailles est large (poulet of course mais aussi pintade, Géline de Touraine, pigeon ou poule) et les origines clairement affichées (Bresse, Touraine, Challans, Poitou) mais, en plus, l'ensemble de la volaille est travaillé et l'on peut donc manger des morceaux rarement servis normalement (Sot-l'y-laisse, abattis, oeufs, blancs et cuisses, ...). Après de longues hésitations entre grands classiques (poulet-frites, poule au pot, vol-au-vent) et variations originales (salade de betteraves aux Sot-l'y laisse et à la coriandre, cromesquis aux épices, ...), nous trouvons enfin un crompromis avec un poulet (de Challans) rôti-frites-salade pour l'As des As et des coquilles Saint-Jacques crues en gelée de volaille pour moi. Comme à chaque fois, après vous avoir mis l'eau à la bouche pendant quelques lignes, le taste report !
Poulet fermier de Challans rôti à la broche, frites "Maison", salade
Le poulet, élément central, est vraiment excellent (et je peux vous le dire d'autant plus facilement que la veille, pour les besoins de mon travail, j'étais allée manger dans une cafétéria de restauration commerciale où j'avais eu droit à un poulet rôti sec et surtout sans goût !). Le fumet qui se dégage de l'assiette fait saliver d'avance en rappelant tous les meilleurs souvenirs de poulet rôti et la chair est tendre et juteuse. Mais surtout, ce qui fait que ce poulet est si bon, c'est que la chair est parfumée par les sucs de cuisson. On retrouve donc en mangeant la chair tous les parfums prometteurs du jus et la gousse d'ail (présente dans l'assiette et dans les sucs) apporte la petite touche finale du goût.
Alors évidemment, on peut penser que c'est facile de faire un bon poulet rôti et qu'il suffit simplement de prendre un bon poulet et de le cuire à la broche jusqu'à ce que la peau soit dorée. Sauf que l'affaire est un peu plus compliquée ... En effet, sans rentrer trop dans les détails, la cuisse et le blanc n'ont pas les mêmes temps ni les mêmes températures de cuisson et quand on on cuit un poulet entier, on a soit des cuisses bonnes mais un blanc sec soit un blanc moelleux mais des cuisses pas assez cuites. Ici, pour avoir les deux à leur apogée, on fait confire les cuisses d'un côté et rôtir les blancs de l'autre. Quand je vous disais que c'était un peu plus compliqué qu'il n'y parait ! :-)
Concernant le poulet donc, rien à redire. Par contre les accompagnements sont assez décevants ! En effet, la salade a l'air de sortir directement du sachet (vu le positionnement de la maison, on aurait pu attendre un mesclun ou au moins une salade fraiche !) et les frites, bien qu'annoncées "Maison", donnent une déagréable impression de frites surgelées (forme trop régulière pour être honnête et goût de bain de friture bof bof) - impression partagée par nos voisins d'ailleurs.
La gelée de volaille et coquilles Saint-Jacques crues
Rien à redire concernant la qualité du plat. La composition est originale et très savoureuse. En effet, les Saint-Jacques sont escalopées en carpaccio, prises en gelée dans un jus de volaille excellent (le même que celui du poulet mais en version refroidie !). L'assaisonnement est complété de zestes de citron vert, fleur de sel et poivre concassé. L'ensemble est très raffiné et progressif. En effet, en bouche, c'est la note maritime des Saint-Jacques qui arrive en premier, accompagnée du parfum exotique du citron vert. Le côté terrestre du plat arrive dans un second temps avec la gelée de bouillon de volaille. La fleur de sel et le poivre concassé apportent un peu de craquant bien agréable pour ne pas avoir quelque chose de trop "mou". Un plat donc en deux temps : fraicheur d'abord puis rondeur ensuite.
Concernant le plat donc rien à dire sauf que ... comme son nom l'indique, c'est un plat (et le prix le confirme ...) et qu'en l'occurrence, après avoir mangé mon assiette, je suis loin d'être rassasiée (et pourtant je n'ai pas un appétit d'ogre !). Un accompagnement aurait donc été bienvenu. Au passage, le pain est vraiment très bon : très cuit mais sans amertume et avec un bon goût de céréales (il vient de chez Kayser donc je n'avais pourtant pas de souvenirs impérissables).
Alors, pas de quoi casser 3 pattes à un canard ?
Impression mitigée : la promesse de belles volailles est largement remplie. Par contre, vu le standing affiché de la maison, les détails ne devraient pas être négligés. Au final, on a donc une prestation très inégale, qui pourrait être tolérée pour des prix moins chers mais pas ici.
En gros, une adresse réservée aux poules aux oeufs d'or qui n'ont pas peur de se faire plumer !